En s’opposant au contrôle technique de leurs montures, qui entre en vigueur lundi, les motards et scootéristes ne vont-ils pas nourrir leur réputation ?
Les mobilisations motardes, on sait ce que ça donne : du monde, du bruit, des moteurs qui rugissent et des pots d’échappement qui pétaradent. Avec, parfois, des lois prenant des chemins de traverses – voire des voies de garage – pour éviter le choc frontal.
On se souvient de la vignette moto, abandonnée. De la plaque d’immatriculation à l’avant, oubliée. Du port obligatoire du gilet fluorescent, rangé au fond de la sacoche. Et, depuis plusieurs années, du contrôle technique, sérieusement malmené par des hordes de motards en colère. Cela sera encore le cas ce week-end, à la veille de la mise en place effective du contrôle technique, à partir de ce lundi 15 avril : les fédérations et communautés de motards appellent à manifester partout en France.
Une réputation qui vient de loin
C’est qu’on parle d’un mode de déplacement souvent synonyme de liberté, écho des images véhiculées dès les années 1950 par les productions hollywoodiennes. Ecoutez une discussion de bikers… Lequel n’a pas ressenti, comme Marlon Brando dans L’équipée sauvage, un sentiment d’injustice face à l’autorité ? Quel motard, même « du dimanche », n’a pas profité d’une ligne droite offerte en revenant du boulot pour forcer, juste un instant, la poignée des gaz comme Maverick dans Top Gun ?
Si les motards ont un monde qui leur appartient et qu’ils défendent, cela en fait-il de gros râleurs ? De râleurs ayant le droit – naturel – de s’affranchir des règles imposées aux autres usagers de la route ? Rien d’évident à cela. Tout dépend comment sont négociés les virages.
« Le principe consiste à surpasser les règles »
Dans les faits, oui, les mobilisations motardes sont nombreuses. Opposition à la réforme du permis moto dans les années 1980, actions pique-nique dans les résidences secondaires des personnalités qui avaient voté la vignette moto, refus de l’obligation d’avoir des gants de sécurité CE… Sans compter les manifs contre le stationnement payant dans les rues parisiennes ou en faveur de la circulation interfiles, contre le port du masque pendant le Covid-19, ou contre la vignette Crit’air.
Un vrai jeu des Mille bornes, et des vrombissements qui finissent par énerver. Quitte carrément à les qualifier de « cons », comme mentionné sur le site Carfree, la vie sans voiture. « Le principe même de la moto consiste à surpasser les règles, à s’en affranchir afin de bien montrer aux autres dans quelle piètre estime ils les placent, y assure l’auteur d’une diatribe sous le pseudo d’Autominus. Les motards pensent que tous les autres usagers de la route sont des cons : les automobilistes assimilés à des moutons pare-chocs contre pare-chocs, les piétons dont la lenteur les insupporte et les vélos qui leur volent leur pseudo image d’Épinal de cow-boy chevauchant son fidèle destrier ». Le top-case est plein.
Nuisances sonores, dangers
Selon un sondage réalisé en 2021 par Odoxa pour Keneo et RTL, les bikers sont aussi accusés de nuisances sonores par 74 % de la population. Mais ils s’en défendent. « Un motard ne vous dira pas que son moteur fait du bruit, mais qu’il a un joli son », s’amuse Michel Esselin, coordinateur 67 de la Fédération des motards en colère (FFMC). Du bruit ? Du danger aussi. Si la moto (ou les scooters) est perçue, selon le même sondage, dangereux pour 77 % des personnes consultées, c’est notamment à cause d’un supposé mauvais comportement sur la route, dixit 55 % des sondés. Il leur est généralement reproché de ne pas respecter les limitations de vitesse, de franchir les bandes blanches et de faire pression sur les automobilistes pour qu’ils se déportent à droite lorsqu’ils les doublent ou bien encore de frôler les cyclistes…
Et pour charger la bécane, il y a les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière : les deux-roues motorisés représentaient autour de 20% des tués de la route en 2022 et 33 % des blessés graves, pour moins de 2 % du trafic motorisé. Des statistiques qui ne justifient pas le contrôle technique qui arrive, selon Didier Renoux, de la FFMC. Il ramène à 0.3 % le nombre d’accidents de deux-roues motorisés causés par un défaut technique, alors que ce pourcentage était de 17 % pour les automobiles lors de sa mise en place en 1985.
Au final, les apparences sont trompeuses. Car malgré tous ces mauvais points, les gens les « aiment » plutôt, leurs motards. Toujours selon le sondage Odoxa, 59 % des Françaises et des Français en ont une bonne image. Pas rien.
Alors les motards, vrais râleurs ? Une question balayée sur le bas-côté par la FFMC 67. « On parle surtout d’une solidarité qui est un peu plus visible que chez les automobilistes ou les autres usagers de la route, se défend Michel Esselin. Les motards peuvent et savent se mobiliser facilement, ils sont solidaires ». Et de nature rebelle ? « Il y a un sentiment un peu plus prégnant de circuler, de liberté. Mais on est aussi attaqués de toute part, il y a un faisceau de restrictions qui peut être pris comme une entrave à la circulation », justifie-t-il.
A l’approche de la date fatidique du 15 avril, les motards comptent bien rester mobilisés, avec le faible espoir de voir le gouvernement annuler ce contrôle technique, ou du moins le retarder. « Des députés ont déposé un moratoire en ce sens », assure Michel Esselin. Un contrôle d'autant mal compris que dans la première année, il ne sera que visuel, les centres n’étant pas suffisamment pas équipés. « On va faire payer des contrôles que chaque motard peut faire en sortant sa moto de son garage. C’est donner de l’argent pour pas grand-chose », conclut la FFMC. De quoi tailler la route.
Les détails du contrôle technique
Les propriétaires de deux-roues, de trois-roues et de quadricycles à moteur devront se conformer à un calendrier précis de contrôles techniques réguliers.
Pour les véhicules immatriculés avant 2017, la fenêtre pour effectuer ce premier contrôle s’étend du 15 avril au 14 août 2024 si leur mise en circulation se situe entre le 1er janvier et le 15 avril de l’année de référence, avec une extension jusqu’au 31 décembre 2024 pour les autres.
Cette mesure s’appliquera ensuite de manière échelonnée jusqu’en 2027, selon l’année d’immatriculation du véhicule, avec un contrôle initial prévu dans les cinq ans suivant la première immatriculation, puis un renouvellement tous les trois ans. Le coût de ce contrôle est estimé à environ 50 euros.
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