Cette année, Haïti se prépare à adresser sa demande d’aide au Fonds mondial (FM) pour faire face aux problèmes de santé publique. Dans le cadre du financement du FM, l’accent est mis sur ces trois pathologies : Vih/tuberculose/malaria. La subvention octroyée sert aussi à renforcer un système résilient et pérenne de santé durant la période allant de 2024 à 2026. 110 millions de dollars est l’enveloppe budgétaire proposée par le Fonds mondial.
Aux Ateliers de dialogue national de trois jours (27, 28 et 29 mars), à l’hôtel Kinam, Pétion-Ville, du Comité de coordination multisectorielle (CCM-HAÏTI) des projets du Fonds mondial en Haïti, le budget ventilé pour les trois problèmes de santé publique se présente ainsi au tableau : Vih : $ 67 995 904 ; tuberculose : $ 25 356 124 ; malaria : $ 17 444 350. Ce qui totalise la somme de $ 110 796 378, pour la période 2024-2026.
Pour cogiter autour des chiffres, CCM-Haïti a réuni divers secteurs afin de discuter sur divers points qui serviront de matières à réflexion pour mieux élaborer la prochaine demande de financement d’Haïti au Fonds mondial.
Le premier vice-président du bureau du CCM-Haïti, le Dr Christian Mouala, à l’ouverture officielle de cet événement avait rappelé : « qu’il y a près de deux décennies depuis qu’Haïti commence à bénéficier la subvention du Fonds mondial, comme bailleur, dans le cadre de la lutte contre le Vih, la tuberculose et la malaria. Quelques années après, il a été révélé qu’il fallait aussi agir sur le système de santé en général pour avoir de meilleurs impacts sur les trois maladies. »
Le Dr Mouala soulignera, dès le premier jour, que « le cycle de la subvention du Fonds mondial est de trois ans. À partir de la 2e année du cycle, le pays bénéficiaire doit se préparer à soumettre une nouvelle demande pour le prochain cycle, comme c'est le cas présentement.»
S'investir davantage dans la gouvernance
La subvention en cours se terminant le 31 décembre 2023, le ministère de la Santé publique et de la Population, à travers son directeur général, le Dr Lauré Adrien, a placé son mot : « C’est une activité importante qu’il faut s’approprier et même se réapproprier. Il s’agit désormais pour les représentants de l’État haïtien de s’investir davantage dans la gouvernance de la réponse à donner à ces trois maladies. »
Le Dr Adrien a porté son attention sur la pandémie du Vih/sida. Il a même dit qu’il en fait une affaire personnelle pour arriver à concrétiser l’utopie sanitaire autour des trois 95-95-95. Que signifie donc ces chiffres ?
Dans le discours des experts en santé, d’ici 2030, avec tous les efforts déployés tout au long des années : 95 % des personnes vivant avec le Vih en Haïti connaissent leur statut sérologique, 95 % des personnes qui savent qu’elles sont séropositives au Vih ont accès à un traitement, et 95 % des personnes sous traitement ont une charge virale indétectable.
Le Dr Lauré Adrien, familier à cette narration qui imprègne nos acteurs, relativise en faisant comprendre que pour atteindre les objectifs mondiaux : « 95-95-95 » liés au Vih, la réponse doit être nationale, autrement dit, il faut aller chercher encore d’autres secteurs dans cet ensemble multisectoriel.
Revendications de l’AFHIAVIH
La présidente de l’Association des femmes infectées et affectées par le Vih, Malia Jean, sensible à ce discours, dès le deuxième jour, en atelier, a scotché son regard au tableau qui aligne les chiffres.
Au tableau des chiffres projetés par le Dr Maryse Narcisse, consultante nationale pour le processus d’élaboration de cette demande de financement, est inscrit : $ 119 381 896 pour la période 2020 – 2022. Et pour celle de 2024 à 2026 : $110 796 378.
Activiste et vieille routière dans la lutte contre le Vih/sida, Malia Jean a voulu savoir ce qui s’est passé pour qu’il y ait une telle diminution, d’autant que les problèmes sociopolitiques auxquels fait face Haïti, au cours de ces dernières années, aggravent davantage la situation sanitaire.
Ce que disent les chiffres accumulés
Le Dr Harry Geffrard, coordonnateur de la commission de développement de propositions, dans le cadre de cette demande, a rassuré les esprits. Il a fait savoir que la balance sur la subvention de la Covid-19 (C19RM) accordée à Haïti (cinq millions de dollars) et une demande de financement complémentaire pour le renforcement du système de santé (onze millions de dollars) sont à l’ordre du jour.
Et si l’on comptait ? 110 millions plus 5 millions, plus 11 millions. Le résultat de l’addition: 126 millions de dollars, est largement supérieur par rapport à l'enveloppe budgétaire de la dernière subvention.
Le Dr Harry Geffrard, également conseiller technique au bureau de l’Organisation mondiale de la santé, a apaisé les craintes de Malia Jean. La militante avait, haut et fort, déclaré: « Nous les PVVIVH, nous avons des problèmes énormes. Nous avons toute une liste de PVVIH vivant dans une situation difficile à l’heure actuelle. Notre association ne dispose pas de moyens pour les prendre en charge. (…) Il faut en être conscient. Si vous ne pouvez pas gérer cet argent, les associations de PVVIH peuvent le faire. »
Pour Louiny Fontal, coordonnateur de la Commission de communication, de plaidoyer et de mobilisation de ressources, qui a pris goût aux débats, parfois teintés d’émotion, cette rencontre triennale qui a pris fin le vendredi 29 mars, au Kinam, s’est inscrite dans un processus inclusif, ouvert et multipartite. « Défini par l’État haïtien, à travers le ministère de la Santé publique et orchestré par CCM-Haïti, ce dialogue national a donné à toutes les parties prenantes la possibilité de participer à l’élaboration de cette nouvelle demande de financement au Fonds mondial en vue de répondre aux défis et ouvrir des champs de possibilités pour améliorer notre façon d’aborder, pour les trois prochaines années, les grands objectifs fixés dans la lutte contre le Vih, la tuberculose et la malaria, une lutte ancrée dans le renforcement du système sanitaire haïtien (RSSH)», a soutenu le journaliste de santé.
Cette réunion, pour le secrétaire général du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), Gladimy Ibraïme, qui a également pris part à ce dialogue, nous a permis de comprendre que le volet social et communicationnel pour le changement de comportement s’avère urgent pour prévenir et, a fortiori, accompagner les plus vulnérables. Ces nouvelles stratégies de réponse peuvent, dit-il, aider à apaiser tant et tant de frustrations dans ce pays.
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